Littérature

Découverte du livre « Génération B »

Vous souvenez-vous du roman « Parce que je déteste la Corée » de  Chang Kang-myoung ? Cette fiction a fait énormément parler d’elle aussi bien en Corée du Sud qu’en France. Aujourd’hui, les Éditions Decrescenzo nous offrent la chance de découvrir enfin l’un de ces autres romans du genre : « Génération B ». Ce nouveau roman aborde une fois encore la situation de la jeunesse coréenne, celle de la génération 20-30 ans.  Cependant, l’intrigue est totalement différente et saisissante.

CHANG Kang-myoung :

Chang Kang-myoung, né en 1975 à Séoul, s’est lancé dans la fiction après une carrière de chroniqueur pour un grand quotidien. Ses romans sont toujours inspirés des sujets d’actualités de la société coréenne les plus sensibles. Le succès de ses romans est le fruit de son écriture clairvoyante et profonde ainsi que de son analyse très juste portée sur la société de son pays.

Une intrigue qui maintient en haleine !

Rien que la couverture du livre est saisissante ! Elle m’a directement accroché l’œil et a attisé ma curiosité. À elle seule, elle est tellement révélatrice de la société moderne où tout est standardisé et où on ne peut plus réellement se réinventer. Concernant son contenu : l’orientation du livre est un peu déroutante au départ. Il est parfois difficile de saisir vraiment le fil du récit… Mais ne vous en faites pas ! Je vous livre quelques astuces (sans spoiler promis !) pour bien comprendre l’intrigue dans la suite de l’article 😉 . Cependant, cela contribue aussi grandement à nous tenir en haleine. Une fois dans le vif de l’action, on a littéralement du mal à ne pas poursuivre sa lecture !

Le mystère de Seyeon

L’intrigue c’est elle : Seyeon. Une jeune femme brillante qui a vraiment tout pour réussir sa vie. Elle est belle, elle est brillante et son avenir s’annonce déjà au beau fixe avec un poste assuré chez Samsung. Seyeon aime débattre et échanger sur la société d’aujourd’hui. Pourtant, elle fait elle aussi partie de cette « génération B », de ces jeunes désenchantés, et bien que tout semble aller pour le mieux, elle finit par se donner la mort. Un suicide sans motifs. Alors comment en sommes-nous arrivés là ? C’est ce qui constitue la grande intrigue du roman ! Quelques jours après sa mort, ces amis les plus proches reçoivent deux mails mystérieux de la part de Seyeon. L’un est crypté par un mot de passe avec une énigme à résoudre pour l’ouvrir.

Au début du roman, on commence par la lecture d’un article de presse. Puis, de nombreux encadrés gris viennent interrompre la narration, ce qui nous laisse un peu perdus et perplexes. En réalité, il s’agit des écrits de Seyeon. Dans ses mémoires, elle désigne ses amis par des pseudo. Le narrateur de ce livre est l’un des personnages, celui que Seyeon surnomme Antéchrist. Au fil de la lecture de ses textes, nous découvrons les pseudonymes suivants : Jackie, Socrate, Zaprunter, Ruby, Harvey, Jerry & Mary. Jackie est en réalité le surnom que c’est attribué Seyeon. Socrate est celui de Hwiyeong, Zaprunter celui de Byeonggwon et Ruby désigne Chu. Je garderais le secret concernant les autres !

Un projet fou ou bien les prémices d’une révolution ?

Alors, pourquoi une jeune femme comme Seyeon, prédisposée à un avenir brillant, se donne-t-elle la mort ? Seyeon était très affectée par le monde d’aujourd’hui, semblable à une toile blanche sur laquelle on ne peut plus apposer sa propre couleur. En vérité c’est simplement parce que les rêves d’autrefois non plus d’équivalents aujourd’hui. Elle était désespérée de ne pouvoir laisser une trace d’elle dans ce monde, de ne pouvoir accomplir de grandes choses puisque tous les plus grands exploits ont déjà été réalisés. Ainsi, elle monte le projet fou de whydoyoulive.com un site internet où sont publiés des déclarations et des vidéos de suicides en réponse à ce désenchantement de la jeunesse face à la société ultramoderne. Sa propre déclaration suivie de son suicide se révèle d’ailleurs être le début de cette révolution en ligne. Pourtant un mystère reste entier : qui continue d’alimenter ce site macabre et d’encourager  au suicide de masse ?

Tout au long de la lecture, les textes de Seyeon se révèlent être comme les paroles d’un prophète. Elle explique la nécessité de se donner la mort pour provoquer un électrochoc dans la société, car il n’y a que la violence qui sera médiatisée.  Par la suite, elle expliquera la démarche à suivre pour mettre fin à ces jours, en insistant sur le fait que l’on doit être accompli dans la société pour que les médias, et sur un plan plus large, la société, ne puissent remettre en doute cette révolution.

Génération B

Qu’est-ce que la « Génération B » ? Seyeon en dévoile sa définition dans ses textes :

La génération B est celle de tous les Coréens nés après les années 1978 dont leur seule existence est vouée à assurer le bon fonctionnement de la société. En somme, une vie accessoire sans la moindre importance« Une vie accessoire pour une mort d’esclave. » Cette génération ainsi que celles qui suivront n’auront rien à apporter au monde, incapable d’innover et de le changer. Ainsi la « Génération B » ne peut que se soumettre à la pensée dominante véhiculée par ses parents et ses professeurs. Si elle est victime d’injustices, elle ne peut que se plaindre silencieusement dans son coin puisque le monde est idéologiquement immaculé.

C’est pourquoi cette génération, ne pouvant accomplir de grandes choses, se contente d’atteindre l’accomplissement social et professionnel. L’argent est donc la préoccupation première, cependant, comment gagner cette course à l’argent alors que la capacité à créer de la richesse est arrivée à son maximum, qu’il n’y a plus rien à inventer ? Ainsi, la « Génération B » ne peut qu’être découragée. De plus, les jeunes de cette génération sont constamment en concurrences les uns avec les autres, mais aussi avec les individus plus âgés qui occupent les postes les plus importants. En bref, la « Génération B » ne pourra en aucun cas marquer l’Histoire, ni même rêver.

Dans la « Génération B », on distingue quatre catégories :

Quels comportements adoptés face à ce phénomène de société, face à ce désespoir qui guette tous les jeunes et les générations à venir ? Dans son analyse de la société, Seyeon classe les individus en quatre catégories en fonction de leur façon d’être :

  • Les conformistes: ils acceptent le système actuel de la société ainsi que son principe de concurrence.
  • Ceux qui acceptent le compromis: ils s’interrogent sur le rôle que la société veut leur attribuer, mais ils vont tout de même répondre positivement à la demande en mettant de côté leurs doutes.
  • La résistance passive: ils ne souhaitent pas réellement renverser le régime, mais ils se refusent à défendre les valeurs de cette société.
  • La résistance active: ce sont eux qui souhaitent renverser le système par le biais de la violence.

Dans le roman, on parvient parfaitement à placer chacun des protagonistes dans l’une de ces cases. C’est vraiment une approche très intéressante du livre qui nous permet aussi de mieux comprendre les stratégies mises en place par Seyeon pour arriver à ces fins.

Seyeon, martyre des temps modernes

À l’image de Jésus, mort en martyre sur la croix et dont la parole de ses apôtres à contribuer à faire connaître son sacrifice à travers le monde jusqu’à établir une véritable religion, Seyeon se donne la mort pour son grand projet. Elle souhaitait vraiment participer à une prise de conscience mondiale de ce désespoir de la jeunesse à travers whydoyoulive.com et ainsi marquer l’Histoire.

Pour arriver à ces fins, elle n’hésitera donc pas une seule seconde à manipuler toutes les personnes de son entourage afin de les faire adhérer à sa folle rébellion. À les mener exactement à la place qu’elle voudrait les voir occuper dans la société, à les faire tomber sous ses charmes par les paroles ou le sexe. Elle poussera même Ruby vers Antéchrist pour pouvoir s’assurer leurs loyautés le moment venu. Cette faculté de manipulation dont elle fait preuve est fascinante et effrayante à la fois. Nous en sommes les témoins silencieux tout le long de notre lecture.

En bref :

« Génération B », roman de Chang Kang-myoung publié en 2011 en Corée du Sud est vraiment à mi-chemin entre un polar et une illustration de la société actuelle. Il m’a vraiment tenue en alerte tout le long de sa lecture ! Saisissant, il m’a aussi fait trembler d’effroi par moment.

Je ne vous cache pas qu’au début de sa lecture j’étais vraiment mal à l’aise avec le fait de pousser les autres au suicide… C’est un sujet tellement sensible, sans parler du fait que c’est l’un des plus gros problèmes de société de la Corée du Sud. En effet, le pays enregistre le plus haut taux de suicide de l’OCDE. C’était d’ailleurs la première cause de décès chez les jeunes en Corée du Sud en 2016. L’un des suicides en particulier m’a vraiment secoué par sa brutalité, bien que tous soient vraiment marquants. Aussi, les textes de Seyeon mettent parfois le doigt sur des vérités, bien que son appel à la révolution par le suicide et la violence fait froid dans le dos… Cependant, les derniers textes retranscrivent ses émotions, sa peur et surtout son envie de vivre. C’est vraiment troublant et touchant.

En fin de compte, le roman se termine sur une lueur d’espoir même si la noirceur est toujours présente. J’ai vraiment été captivée par la lecture de « Génération B » qui m’a vraiment touchée. Aujourd’hui, il figure parmi les meilleurs romans coréens que j’ai pu lire ! Je vous encourage vraiment à le découvrir ne serait-ce que pour son analyse de la société moderne. Chang Kang-myoung nous fait, une fois encore, profiter de son regard éclairé sur la situation de son pays, mais aussi du reste du monde.

La vie est belle !

Il me semblait quand même important de finir sur une note plus gaie est positive. Je sais que la dépression est le suicide sont aussi des sujets très tabous et pourtant une réalité dans notre société française également. Personne ne peut porter de jugement, mais je vous encourage à ne pas envisager cela. Ce n’est pas une solution ! Ne restez pas seul, vous aurez toujours des personnes autour de vous pour vous soutenir !

La vie est une opportunité magnifique ! Il faut la saisir et en profiter pleinement ! Comme le dit l’adage « Après la pluie, vient le beau temps » et aucune situation ne restera inchangée si l’on se bat pour faire bouger les choses ! Voyez le bon côté en tout, voyez vos souffrances comme des leçons, des épreuves qui vous aideront à devenir plus fort.

Nous ne rêvons pas tous de marquer l’Histoire. Le bonheur est différent pour chacun de nous. Il suffit de trouver ce qui fait vibrer notre cœur ! Je vous envoie plein d’amour.


Korean Coffee Break remercie les Éditions Decrescenzo pour nous avoir offert l’opportunité de découvrir « Génération B » en avant première ! Retrouvez l’intégralité de leur catalogue sur leur site internet.

Fichier:LogoDCE.png — Wikipédia

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À propos de l’auteur

29 ans, écrivain public et diplômée en Communication. Je suis fascinée par l’Asie depuis mon enfance. Curieuse et avide de découvertes, j'ai envie de partager avec vous ma passion pour la Corée du Sud. J'aime les voyages, l’architecture, la musique, l’écriture et les plaisirs simples que la vie a à nous offrir.

2 Commentaires

  • Les Sortilèges Des Mots
    15 juillet 2019 at 18:43

    Coucou, je découvre le blog grâce à la maison d’édition qui a partagé l’article. J’adore la maison d’édition bien que je n’en ai pas lu beaucoup. Je le lirai à l’occasion. C’est un sujet qui me touche et je suis d’accord, c’est un sujet encore tabou en France même si ça commence à bouger un peu. Trop peu encore mais il faut bien commencer quelque part.

    Reply
    • Clothilde
      15 juillet 2019 at 20:09

      Salut ! Merci beaucoup pour ton commentaire 🙂 . Je suis vraiment contente que Decrescenzo Edition soit l’occasion pour toi de découvrir notre blog et j’espère que son contenu te plaira ^^. N’hésite pas à laisser un commentaire sur les articles des livres que tu as lu. J’espère aussi que nos articles littéraires te permettront de faire de belles découvertes 🙂 .

      Oui, c’est vrai qu’il faut bien commencer quelque part, j’espère qu’il y aura vraiment une prise de conscience beaucoup plus grande dans les années à venir…

      Reply

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