Histoire & Civilisation / Littérature

Découverte du livre « Parce que je déteste la Corée »

Le nouveau roman de Chang Kang-myoung « Parce que je déteste la Corée » est déjà un best-seller en Corée du Sud depuis sa sortie en 2015. Sans doute parce qu’il aborde l’un des sujets les plus sérieux de la société coréenne, celle de la génération « Hell Joseon » (signifiant : « La Corée c’est l’enfer »).

Parce que je déteste la Corée

CHANG Kang-myoung :

Chang Kang-myoung est né en 1975 à Séoul. Après une carrière de 11 ans en tant que chroniqueur pour un grand quotidien, il se lance dans la fiction. Ses romans sont le reflet des sujets d’actualité qui touchent la société coréenne. Ses approches réalisées avec sa finesse d’analyse et sa perspicacité font le succès de ses romans.

Qu’est-ce que la génération « Hell Joseon » ?

La génération « Hell Joseon » désigne les jeunes coréens entre la vingtaine et la trentaine. Ils ont un regard négatif de leur pays et ne se sentent pas valorisés par la société. La Corée ne présente aucune opportunité pour eux.

La Corée du Sud a connu un développement fulgurant entre les années 60 et 80. Aujourd’hui les jeunes sont confrontés pour la première fois au chômage après le ralentissement de l’économie, contrairement à la génération de leurs parents. De plus, la société coréenne est encore très ancrée dans les influences du confucianisme, entraînant une pression sociale très importante. La réussite, en particulier dans le domaine professionnel, est impérative.

Confession de Kyena, représentative de la génération « Hell Joseon »

J’ai réellement pris plaisir à lire le roman de Chang Kang-myoung. Le style de narration me donne l’impression de converser avec une amie. C’est comme si j’étais en face de Kyena, l’héroïne du roman, en train de me raconter son histoire.

Kyena pourrait être désignée comme ambassadrice de cette jeunesse coréenne. Agée de 27 ans, elle ne supporte plus la pression sociale de son pays. Elle décide alors de partir en Australie, sans parler un mot d’anglais, avec le projet de s’y installer définitivement. Kyena se sépare de son petit ami, embrasse sa famille et s’envole pour de nouvelles aventures non sans une certaine appréhension.

Corée du Sud vs Australie

Tout au long du roman de Chang Kang-myoung nous sommes témoins d’une opposition réelle entre les deux pays. Le récit de Kyena met en évidence les différences et le manque de flexibilité de son pays maternel à travers sa vie passée en Corée et ses premières expériences en Australie.

  • La Corée: Elle représente le passé de la jeune femme. Kyena nous raconte la vie qu’elle a menée en Corée jusqu’à son départ, les difficultés qu’elle rencontrait et son sentiment de ne pas être à sa place. Ses échanges avec ses amies et sa relation avec son petit ami, Ji-myeong, sont également des illustrations de la société coréenne actuelle.
  • L’Australie : Son futur, terre d’opportunité et porteuse d’espoir. Kyena ne parle pas un mot d’anglais, pourtant elle n’hésite pas une seconde à tout quitter pour s’installer en Australie. Elle étudie l’anglais et la comptabilité, secteur qui recrute pas mal dans le pays, afin d’obtenir la nationalité australienne. Bien qu’elle ait dû faire face à de nombreuses difficultés, elle ne baisse pas les bras et s’accroche à l’espoir d’une vie nouvelle.

A travers son roman, l’auteur partage avec nous les difficultés que doit surmonter la société coréenne, mais aussi la réelle opposition entre les civilisations des pays asiatiques et des pays occidentaux.

La Corée du Sud, un enfer pour sa jeunesse ?

Le pays du matin calme est-il si détestable ? C’est ce que Kyena semble croire. « Mon pays natal, la Corée du Sud, s’aime d’abord lui-même ». Elle dénonce une société basée sur le paraître constant, où seule son image compte. Élevant sur un piédestal les membres qui lui font honneur par leur réussite et criant infamie sur ceux qui n’y parviennent pas. Une réussite qui doit commencer dès le plus jeune âge. Il faut être le meilleur de sa classe puis le meilleur de sa promo, mais ça ne suffit pas ! Il faut être le plus doué dans l’une des universités les plus réputées du pays ! Sinon l’intérêt est moindre… Les étudiants s’orientent aussi vers les secteurs les plus porteurs et les plus avantageux, pas nécessairement vers la profession de leurs rêves.

Ensuite, il faut réussir au niveau professionnel. Le but ultime c’est un poste dans l’un des chaebols (grands conglomérats coréens) du pays. Plus on s’éloigne de cet objectif moins on a de considération de la part de son pays. Le rythme de travail et la pression hiérarchique sont aussi très soutenus. Les Coréens sont trop fatigués durant leur jour de congé pour faire la moindre activité donc ils n’ont pas de véritable vie de famille.

Les femmes, quant à elles, doivent choisir entre deux options : entrer dans le monde complexe et rigide du travail, ou bien le régime de femme au foyer (si elle se marie plutôt jeune) et les relations souvent conflictuelles avec sa belle-famille.

Une société basée sur l’image

On ne se le cache pas, la Corée du Sud est un pays très axé sur son image. Les Coréens doivent donc eux aussi renvoyer une image parfaite. Tout d’abord physique, véritable critère de réussite professionnelle et sociale, être beau et réellement un atout. Ainsi, ne pas répondre aux exigences véhiculées par la société engendre un véritable mal-être. C’est pourquoi le culte de la minceur (voire même de la maigreur à mes yeux) et le passage sous le bistouri semblent inévitables.

Les relations font aussi partie intégrante de l’image que l’on véhicule et les Coréens y accordent beaucoup d’importance. C’est pourquoi on veillera à se marier avec une personne de la même classe sociale que soi. On devra aussi demander la bénédiction à nos parents qui chercheront avant tout à connaître la profession des parents et de la personne qui pourrait rejoindre la famille. Kyena en fait la désagréable expérience lors de sa rencontre avec sa belle-famille, étant de classe sociale inférieure, elle sera complètement ignorée.

En Bref :

La Corée du Sud, complexé par son Histoire où le pays n’a cessé d’être annexé et colonisé, entretient un patriotisme et un désir de réussite extrême. Le peuple coréen vit pour son pays, pour faire briller son identité. La pression exercée sur la population et notamment sur la jeune génération est très forte. Il est impératif de présenter une belle image physique, d’obtenir les meilleurs résultats, d’occuper un poste de préférence intellectuel et haut placé. Si ces conditions ne sont pas respectées, leur devoir de citoyen coréen n’est pas rempli et on se retrouve en marge de la société.

« Je n’ai pas d’avenir en Corée. Je ne suis pas sortie d’une grande université, je ne viens pas d’une famille riche, ne suis pas aussi belle que Kim Tae-hui*. Si je reste en Corée, je finirai ramasseuse de détritus dans le métro. »

*Kim Tae-hui : actrice et mannequin sud-coréenne.

Que faire ?

Parfois, l’émigration semble être une réponse pour la jeune génération coréenne qui souhaite vivre leur vie pleinement, loin de leur pays natal. Ne se sentant pas à sa place dans la société coréenne, l’héroïne du roman tente sa chance dans un pays complètement opposé à la Corée du Sud notamment sur le plan social, l’Australie. Elle ne souhaite qu’une chose : « A partir de maintenant, je vais être heureuse, vraiment heureuse. »

Il ne faut cependant pas oublier que comme tous les pays, la Corée du Sud doit faire face à des difficultés. Ça n’en reste pas moins un pays magnifique avec de multiples richesses ;).

Je vous invite également à découvrir l’interview de l’auteur réalisé par le journal Libération. Chang Kang-myoung nous livre ses observations de la société coréenne. C’est un véritable complément à la lecture du roman ^^.

Que pensez-vous de cette situation en Corée du Sud ? Si vous avez lu ce livre, avez-vous apprécié sa lecture ?


Vous souhaitez acheter ce livre ?

Rendez-vous à la librairie Le Phénix –  72, boulevard de Sébastopol 75003 Paris – ouvert du lundi au samedi de 10h à 19h

Sur leur site internet 

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À propos de l’auteur

29 ans, écrivain public et diplômée en Communication. Je suis fascinée par l’Asie depuis mon enfance. Curieuse et avide de découvertes, j'ai envie de partager avec vous ma passion pour la Corée du Sud. J'aime les voyages, l’architecture, la musique, l’écriture et les plaisirs simples que la vie a à nous offrir.

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