Histoire & Civilisation / Littérature

Découverte du livre « Kim Jiyoung, née en 1982 »

Tout premier roman écrit par Cho Nam-joo, « Kim Jiyoung, née en 1982 » aborde un sujet très sensible de la société sud-coréenne : la place de la femme. Ainsi, nous suivons la vie de Kim Jiyoung, de son enfance jusqu’à ses 35 ans. Un livre poignant où le message que cherche à faire passer l’auteur est très fort. Il a d’ailleurs été adapté au cinéma, en octobre 2019, sous le même titre.

CHO Nam-joo :

Cho Nam-joo est née en 1978 en Corée du Sud (soit quelques années avant l’héroïne de son roman). Scénariste télé, « Kim Jiyoung, née en 1982 » est son tout premier roman, publié en 2016 en Corée du Sud. Il crée la polémique dès sa sortie, car aborder la condition des femmes dans la société sud-coréenne est un sujet très sensible. Aussi, ce roman a été vendu à plusieurs millions d’exemplaires en Corée du Sud, ce qui est vraiment rare ! Aujourd’hui, il est déjà en cours de traduction dans plus de 20 pays.

Kim Jiyoung, une femme comme toutes celles de sa génération.

Kim Jiyoung est une jeune femme ordinaire, tout comme son prénom, le plus donné en Corée du Sud l’année de sa naissance. Ainsi, elle est le symbole même de la génération féminine de ces années. Elle a vécu son enfance au côté de ses parents, de sa grand-mère maternelle, de sa sœur aînée et de son petit frère. Sa famille aussi, aux ressources financières moyennes, est bien le reflet de la Corée du début des années 1990.

Au début du roman, nous rencontrons Kim Jiyoung, une mère au foyer de 35 ans. Elle est mariée à Jeong Daehyeon et maman d’une petite fille d’un an, Jeong Jiwon. Son mari est salarié dans une grande entreprise high-tech. Il rentre au domicile toujours très tard et passe au moins une journée de son week-end seul au bureau pour travailler. De son côté, Kim Jiyoung travaillait dans une entreprise de communication. Elle a quitté son emploi à la naissance de sa fille. Depuis, elle est mère au foyer et se consacre à l’éducation de sa fille et aux tâches quotidiennes. Mais, elle finit par adopter un comportement étrange : brusquement,  Jiyoung commence à s’exprimer avec la voix d’autres femmes. D’où vient ce comportement ? Est-ce un burnout ou encore une illustration d’une dépression sévère ? On s’interroge aussi sur l’élément déclencheur de cet état.

Poster du film « Kim Ji-Young, née en 1982 »

L’homme : sans aucun doute le maillon fort de la société coréenne

La société sud-coréenne est encore profondément marquée par l’idéologie du confucianisme, très influente depuis la période Joseon. Ce système de pensée, instauré par Confucius, définit principalement les relations sociales. Mais aussi la place de l’homme et de la femme. L’homme est la figure dominante du foyer, celui qui doit pourvoir aux besoins de sa famille. Aussi, cette image de chef de famille confère à l’homme le statut privilégié d’héritier, permettant à la famille d’avoir une descendance. D’ailleurs, lorsqu’une femme se marie, elle devient obligatoirement une membre de la famille de son conjoint. C’est donc chez sa belle-famille qu’elle devra participer aux célébrations. C’est pourquoi avoir un garçon est essentiel. Cela explique que certaines femmes aient eu recours à l’avortement pour ne pas avoir de filles, surtout lorsqu’elles ont déjà d’autres enfants.

Les hommes de la famille sont choyés tels de vrais petits princes. Ainsi, Kim Jiyoung se faisait souvent réprimander par sa grand-mère étant enfant lorsqu’elle osait convoiter ce qui était destiné à son précieux petit frère. De plus, il n’était pas rare que sa sœur et elle soient obligées de se priver de tofu ou de viande au bénéfice du benjamin, car la famille n’avait pas énormément de moyens…

Le passage à la vie active n’est lui aussi pas toujours synonyme de liberté et d’épanouissement. En effet, la fille aînée de la famille Kim s’est orientée dans un domaine où l’emploi était sûr, même si ce n’était pas ce à quoi elle aspirait au départ. En effet, cela lui permettait de venir en aide financièrement à sa famille, notamment pour financer les études du petit dernier. Cela était même plutôt commun pour la génération de leur mère.

Image tirée du film « Kim Ji-Young, née en 1982 »

La femme : sous-évaluée et méprisée par la société

À l’école, les filles, qui ont souvent de meilleures notes que les garçons, sont régulièrement sollicitées pour aider les professeurs durant les corrections. Pourtant, lorsqu’il s’agit de choisir un délégué de classe, ce sont les garçons qui sont le plus souvent désignés.

Une fois dans le monde du travail, les femmes font l’objet d’entretiens d’embauches avec des questions propres à leur statut de « sexe faible » ainsi que de remarques sexistes. Lorsqu’elles sont embauchées, elles sont bien souvent moins payées que les hommes pour un poste équivalent. En 2016, la Corée était encore le pays dont le nombre de femmes ayant accès à des fonctions plus élevées était le plus bas.

Enfin, un incident étant survenu dans l’entreprise où travaillait Kim Jiyoung, illustre parfaitement l’irrespect que l’on peut témoigner à l’égard des femmes. En effet, une caméra cachée avait été placée dans les toilettes des femmes. Un collègue est tombé sur ces images sur un site pour adulte. Cependant, plutôt que d’avertir la police, il a fait lui-même tourner les photos au sein de l’entreprise. Cette situation a énormément impacté les femmes qui y travaillaient et aucune mesure n’a vraiment été prise concernant la détresse et la honte qu’elles ont pu éprouver. Une situation simplement intolérable qui nous donne envie de crier au scandale ! Il n’y a absolument aucune empathie envers les femmes et cela peut-importe le domaine.

Image tirée du film « Kim Ji-Young, née en 1982 »

Sans réelle possibilité d’accomplissement personnel

À la lecture de « Kim Jiyoung, née en 1982 », nous ne pouvons que nous interroger sur l’accomplissement personnel de toutes ces femmes. Est-il réellement possible lorsque, depuis notre naissance, nous n’avons pas réellement le choix ?

Kim Jiyoung était déjà en situation privative lorsqu’elle vivait chez ses parents. Après avoir bataillé pour trouver un emploi, elle semble enfin s’épanouir, mais ce sera de courte durée. En effet, après le mariage, vient la suite logique du bébé. Bien que le couple n’en désire pas spécialement un, ils finissent par céder à cause de la pression familiale. Après avoir étudié avec précision les options en fonction de leurs moyens financiers, c’est une fois encore Kim Jiyoung qui devra se sacrifier pour élever sa fille. Son mari à un salaire plus élevé qu’elle, les grands-parents n’ont pas la possibilité de garder la petite, et puis il n’y a pas de système de crèche assez répandu en Corée du Sud. Enfin, le couple ne peut se permettre d’envisager une garde à domicile.

Ainsi, Jiyoung endosse le statut de femme au foyer plutôt à contrecœur. Jonglant entre ménage, lessive, bébé et préparation des repas, une fois encore son application pour faire vivre son foyer n’est pas considérée. Est-elle réellement une « mère-parasite » ? On peut alors se poser la question de l’homme dans cette situation : faut-il le blâmer ? Ils ont toujours été élevés sous le statut d’être-privilégié. Ainsi, ils ont du mal à saisir cette oppression dont sont victimes les femmes. Faisant leur maximum pour remplir leur rôle d’homme, de chef de famille, ils ne parviennent pas à comprendre la situation de leurs compatriotes féminines.

Image tirée du film « Kim Ji-Young, née en 1982 »

En bref :

Après la lecture de ce roman, je peux totalement comprendre comment il a pu créer la polémique en Corée du Sud. Nous abordons sans doute le sujet le plus délicat de la société. La femme est totalement victime du fonctionnement profondément machiste et des mentalités actuelles. Durant toute sa vie, elle est relayée au second plan, passant après les hommes de sa famille, puis après son mari et ses enfants. Aussi, elle ne semble avoir aucune perspective d’avenir. Un seul chemin lui est destiné : celui de mère au foyer et épouse modèle. Alors, nous pourrions penser à tort qu’elles sont respectées lorsqu’elles entrent dans cette case. Pourtant, une fois encore cela n’est pas le cas. Ce qu’elles accomplissent au sein du foyer est considéré comme normal et facile.

Aujourd’hui, la société coréenne évolue sur ce plan et heureusement ! Mais c’est une avancée encore jugée trop lente par rapport aux envies et aux besoins des femmes actuelles. Ainsi, on observe des mouvements et des réactions très violentes comme une haine de l’homme ou bien le refus d’avoir des enfants. Les femmes veulent s’affirmer et ne plus faire passer leurs souhaits et leur carrière après les obligations familiales. 

« Kim Jiyoung, née en 1982 » est un roman indispensable pour comprendre la place de la femme dans la société sud-coréenne. Très facile à lire, on se laisse rapidement emporter par le fil du livre. Bien que ce soit romancé, il est plein de vérités et illustrer par de nombreux chiffres. Je recommande sa lecture à toute personne ou curieux désirant en savoir plus sur la Corée du Sud.

Avez-vous déjà entendu parler de ce livre ? Peut-être avez-vous vu le film ? Donnez-nous votre avis en commentaire !

Recommandation :

Si vous souhaitez en savoir plus sur ce sujet, je vous conseille la lecture du livre « Corée à Cœur » d’Ida Daussy. Tout un chapitre du livre est consacré à la condition féminine.


Korean Coffee Break remercie vivement la librairie Le Phenix de Paris pour nous avoir fait découvrir ce roman incontournable !

Vous souhaitez acheter ce livre ?

Rendez-vous à la librairie Le Phénix –  72, boulevard de Sébastopol 75003 Paris – ouvert du lundi au samedi de 10h à 19h

Sur leur site internet

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À propos de l’auteur

29 ans, écrivain public et diplômée en Communication. Je suis fascinée par l’Asie depuis mon enfance. Curieuse et avide de découvertes, j'ai envie de partager avec vous ma passion pour la Corée du Sud. J'aime les voyages, l’architecture, la musique, l’écriture et les plaisirs simples que la vie a à nous offrir.

1 Comment

  • Launois-Dalyphard
    27 mars 2020 at 12:23

    Bonjour,
    Merci infiniment pour ce conseil de lecture (s). Je prends tous ce qui concerne la Corée.

    Reply

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